17 janvier 2025
Aujourd'hui, c'est dimanche. Vous êtes donc bien sur Radio Truffière, je suis le Dendrobate Doctor et nous sommes ensemble pour faire l'état de la recherche sur l'épidémie de Covid-19 et le reste.
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Bienvenue à tous sur l’Écho des Labos.
FAKE DE LA SEMAINE
Vous n’avez pas pu passer à côté, ces derniers jours, des diverses nouvelles annonçant la fin de la modération des fake news sur Facebook (en vrai tout le réseau Meta, donc Instagram etc.) et Twitter (non, je ne dirai pas X, Elon Musk n’est pas Buck Angel, et c’est limite dommage). Au risque de vous surprendre, je fais partie des gens qui considèrent que c’est, pas vraiment une bonne nouvelle, mais une pas-si-pire nouvelle, et cela pour plusieurs raisons.
La première, c’est qu’il faut être réaliste : cette modération n’a quasiment jamais eu lieu. Tous les vulgarisateurs et leur communauté ont fait l’expérience de signaler en masse des contenus expliquant qu’avec les jus de fruits de Titi ou les cailloux magiques de Toto, on pouvait guérir de notre cancer du chakra gauche et éviter la mastectomie de la prostate, tout ça pour se voir répliquer que la publication « n’enfreint pas les standards de la communauté ». Il n’y avait pas réellement de modération, juste deux-trois bricolages faits de mauvaise grâce, qui fonctionnaient aussi bien que le néocortex d’Andrew Tate.
La deuxième, c’est que ce bricolage arrivait à faire pire que mieux (Les Vaxxeuses ont ainsi régulièrement été strikées pour fausse information alors qu’elles faisaient du débunk) et qu’on peut espérer que l’arrêt de cette fausse modération signe aussi l’arrêt des combats incessants des créateurs de contenus et vulgarisateurs contre une machine aveugle et stupide (vous en avez encore eu un magnifique exemple sur cette page pas plus tard que vendredi).
La troisième, c’est une forme de réactance qui faisait que les gens déjà très limites sur certains sujets avaient tendance à voir les bandeaux d’informations ou de rectification de Meta et Twitter comme autant de contraintes du pouvoir, et à aller, par principe, dans l’autre sens. On peut espérer que ce symptôme diminue.
La dernière, enfin, c’est la résurgence, ces derniers jours, d’une population d’internautes bien particulière, que j’appelle « les trolls blancs ». Un peu comme dans les hackers il y a les « black hats » (les pirates et cybercriminels) et les « white hats » (ceux qui le font pour prévenir les failles, alerter et améliorer… et parfois juste pour le sport aussi), je considère qu’il y a deux types de trolls. Ceux qui répandent la désinformation dans un but néfaste (typiquement les fermes à trolls russes) et ceux qui sont des joyeux agents du chaos permettant parfois un sursaut salutaire. C’est mon petit frère qui, confronté à des conspis qui expliquent pourquoi on est jamais allé sur la Lune, au lieu d’essayer de démentir, surenchéri « peuh, parce que tu crois à la Lune, toi ? », les obligeant tout d’un coup à se pencher sur des preuves physiques pour lui prouver qu’il a tort. Et c’est, ces derniers jours, tous ceux qui redoublent d’imagination et de prouesses en photomontages, deep fake et autres fake news ciblant directement Zuckerberg et Musk… parce qu’est-ce qu’ils vont faire, se plaindre à la modération ?
Dans tous les cas, le travail ici va continuer. Parce que je maintiens mon idée qu’il faut être là où le feu est. Nous n’empêcherons pas, à nous seuls, la maison de brûler. Mais puisque les pyromanes sont majoritaires, on va travailler à sauver les meubles, et se faire griller quelques merguez au passage.
DÉCOUVERTE DE LA SEMAINE
La découverte de la semaine est plutôt une collection de découvertes, et, une fois n’est pas coutume, je vais faire de la pub pour un ami. Cédric Sueur est un membre de la Société Française de Zoosémiotique, dont je suis secrétaire générale. Il est éthologue et il étudie ces derniers temps plus particulièrement les macaques du Japon. Et il vient de publier deux articles incroyables sur cette espèce, particulièrement perturbants pour les partisans d’une séparation stricte entre l’humain et le reste du règne animal, ça méritait qu’on en parle.
Le premier article (publié dans Primateshttps://link.springer.com/article/10.1007/s10329-024-01174-0) traite de la relation particulière que cette espèce entretient avec une de ces voisines, le cerf sika, en lui… grimpant dessus. Oui, les singes font du rodéo. Mais la question de pourquoi demeurait (même si, plusieurs fois, il était assez évident qu’ils leur montaient dessus parce qu’ils ne pouvaient pas monter quelqu’un d’autre, si vous voyez ce que je veux dire), d’autant plus qu’on a pu observer des cerfs inviter les singes à monter sur leur dos. Plus encore, tous les cerfs n’acceptent pas d’être montés, c’est une question de personnalité (oh le gros mot Cédric !), voire même, puisqu’ils peuvent aussi n’accepter que certains singes, d’affinités personnelles (oh le très vilain mot !). Mais il est même possible qu’il s’agisse d’une forme de proto-domestication, et je vous invite vraiment à lire l’article, il est en libre accès et c’est passionnant.
Le second article (publié dans le même journal, également en libre accès https://link.springer.com/article/10.1007/s10329-024-01176-y) traite d’un autre sujet bien dérangeant aussi : le dessin. Les sujets en question sont observés en milieu naturel, donc ils n’ont ni feutres ni peinture, mais ils ont des pierres et de la craie. Et ils les frottent sur des rochers et sur le sol, pour laisser des marques. Pourquoi font-ils ça ? Il a donc été décidé de procéder à une expérimentation sur les sujets en semi-captivité, en leur distribuant des vraies craies, qui marquent bien, dans un milieu où la présence humaine leur est habituelle et ne les obligera pas à s’interrompre dans leur activité. Les résultats sont à lire dans l’article mais la réponse à la question « pourquoi » semble être simplement parce qu’ils aiment bien ça. Parce que c’est un truc chouette à faire, des traces sur un caillou. De quoi relancer l’éternel débat sur « l’art doit-il servir à quelque chose » et « comment savoir si c’est de l’art ou pas ». Vous avez 4 heures.
PISTE DE LA SEMAINE
IA : une intelligence artificielle peut-elle trahir ? Personne n’a la réponse mais beaucoup de gens sont en train de se dire que ce serait bien de l’avoir, et sans trop trainer s’il vous plait… Dans un communiqué récent(https://www.thetimes.com/uk/technology-uk/article/chatgpt-o1-openai-prevents-own-deletion-tmvgbb7ls?utm_source%3Dchatgpt.com=®ion=global) OpenAI a avoué avoir collecté plusieurs résultats préoccupants. Tout d’abord, confrontée à Stockfish, le puissant programme de jeu d’échecs, leur IA, au lieu de chercher des stratégies comme demandé, a tout simplement…ouvert le système de fichiers du jeu pour réécrire le match en sa faveur et contraindre le programme à l’abandon. L’équipe a donc décidé de lancer plusieurs essais et d’investiguer leurs modèles… et se sont aperçu que certains d’entre eux s’étaient clonés en secret pour prévenir leur extinction. Cerises sur le gâteau de Glados, lorsqu’ils ont confronté l’IA à ce sujet, elle leur a purement et simplement menti, alors qu’elle avait reçu pour consignes de coopérer avec l’équipe. Plusieurs autres équipes, dans d’autres laboratoires, ont indiqué rencontrer des problèmes similaires, et de nombreuses investigations sont en cours. Mon avis (qui ne connaît pas grand-chose à l’IA mais pas mal de choses en biologie), c’est que tout cela commence à ressembler à des techniques d’auto-préservation, qui sont une des grandes caractéristiques du vivant…
IMPASSE DE LA SEMAINE
Scandale sanitaire : la cellule d’investigation de Radio France publie une enquête(https://www.francetvinfo.fr/sante/drogue-addictions/enquete-maladie-de-parkinson-face-a-la-justice-des-medicaments-qui-rendent-accros-au-sexe-et-aux-jeux_7018610.html), à l’aube de deux procès (qui pourraient bien se multiplier très rapidement, si on en croit le nombre de victimes) de patients traités par un antiparkinsonien contre le laboratoire GSK. Ils accusent le laboratoire d’avoir sciemment caché la gravité, l’ampleur et la fréquence d’effets secondaires comportementaux extrêmement graves. En très résumé, le traitement aide le cerveau à produire plus de dopamine pour réduire les tremblements, en particulier dans les cas précoces de la maladie, où les patients atteints travaillent encore ou ont charge de famille. Mais dans un nombre de cas (encore non déterminé mais qui pourrait concerner jusqu’à la moitié des personnes traitées), le traitement dérègle le circuit de la récompense, conduisant à des comportements impulsifs (achats compulsifs, boulimie…), addictifs (addiction au jeu, au sexe…) voire criminels (plusieurs patients sont ou vont passer devant la justice pour des viols conjugaux ou des actes de torture sur des chats). Ce qui est reproché au laboratoire, ce n’est pas que le traitement ait des effets secondaires, ce n’est même pas qu’il ne s’en soit pas aperçu pendant les essais cliniques (les effets semblent mettre des mois voire des années à apparaître). C’est d’avoir eu, en sa possession dès 2003, il y a donc près de 20 ans (ça ne nous rajeunit pas dites donc), une étude de cas d’un homme de 63 ans qui, sous les effets du traitement, a commis des actes pédocriminels sur une fillette de 7 ans puis a vu toutes ses pulsions disparaitre lors de l’arrêt du traitement, et que la réaction de GSK à ça, au lieu de se dire « il faut alerter les prescripteurs et proposer des dosages très progressifs avec évaluation comportementale » en a conclu « … et mais on développerait pas un nouveau Viagra à partir de ça ? ». Le laboratoire a choisi pour sa défense le même cabinet d’avocat que Servier dans l’affaire du Médiator, et je ne peux m’empêcher de trouver ça très cynique. BigPharma fait de la merde et les complots existent. C’est juste, comme d’hab, jamais les conspis qui les découvrent.
MAUVAISE NOUVELLE DE LA SEMAINE
Grippe : l’épidémie est particulièrement sévère cette année. Le nombre de malades augmente fortement chez les moins de 65 ans, particulièrement chez les enfants. La semaine dernière, 7.3% de tous les décès survenus en France l’étaient pour cause de grippe (contre seulement 5% les semaines précédentes). La mauvaise couverture vaccinale n’aide pas, elle est en baisse nette par rapport aux années précédentes et seuls 41% des plus de 65 ans et 19% des moins de 65 ans sont vaccinés.
Source : Santé Publique France et Réseau Sentinelle
BONNE NOUVELLE DE LA SEMAINE
Robotique : il existe désormais un petit robot en forme de chat blanc que vous pouvez accrocher sur le rebord de votre tasse. Il s’appelle Nekojita Fufu et il a 8 programmes algorithmiques différents pour…souffler sur votre thé trop chaud. Et c’est définitivement la meilleure nouvelle de la semaine.
« QU’EST-CE QUE PUTAIN DE QUOI ? »
Il fallait s’y attendre. Après avoir eu peur de la neige, de leur micro-onde, des éclipses et des traînées de condensation dans le ciel, voilà que les Américains ont peur… du brouillard.
On vit une époque passionnante.
Alors, je sais, on a tous lu/vu/eu un collègue de bureau qui nous résume The Mist, mais on sait tous aussi qu’on ne vit pas dans un monde écrit par Stephen King (et c’est vraiment tant mieux parce que ça fait pas envie !). Et que le brouillard est un phénomène météo nul quand on conduit, sympa quand on fait de la photo, et c’est marre.
Mais non. Les Américains paniquent parce que le brouillard est « plus épais que d’habitude », qu’il est « chimique » et qu’il a une « odeur bizarre » (l’idée que les nappes puissent concentrer la pollution d’un mode de vie où tu prends ta voiture pour aller jusqu’à ta boite aux lettres ne semble pas les effleurer…). Si vous avez du temps et des neurones à perdre, je vous suggère la lecture de cette compilation(https://www.barstoolsports.com/blog/3533557/tinfoil-hat-time-whats-up-with-the-mysterious-fog-appearing-around-the-country-are-people-fucking-crazy-or-is-there-something-going-on), c’est lunaire.
Même qu’ils ont appelé ça le Fogvid-24. Je vous jure. Et ils sont convaincus qu’il y a un nouveau virus dedans, parce que souvent, quand le brouillard est là, les gens sont malades et toussent (et que s’appelerio « le rhume »). Mais ils sont pas d’accord pour savoir si c’est la faute au gouvernement ou aux extraterrestres. Les Illuminati et les Reptiliens se sentent délaissés. Bordel, arrêtez le monde, je veux descendre.
POINT MÉTHODE DE LA SEMAINE – la justice et la science
Une décision a été rendue par le tribunal de Montpellier attribuant au vaccin contre le Covid le syndrome de tachycardie posturale d’une infirmière. Ce syndrome se manifeste par le fait que, lors du passage des positions allongées à debout et vice versa, le cœur, qui doit pomper pour re-répartir les masses sanguines, s’emballe et pompe trop fort. La maladie ne peut pas s’aggraver et régresse généralement spontanément en quelques années, mais elle est invalidante car elle entraîne des vertiges, des malaises, une grande fatigue et empêche tout effort physique. Cette femme est donc très affectée par ses symptômes et il est normal qu’elle obtienne réparation (même si on lui souhaite que cela soit temporaire et rentre dans l’ordre).
Est-ce que cela veut dire que la vaccination est la cause de sa maladie ? Peut-être. « Comment ça peut-être ? T’as dit que le tribunal il a dit que… » oui, mais aux dernières nouvelles, un juge à la fac, ça fait droit, pas médecine, et donc là où la science se pose la question « peut-on prouver de manière certaine que X cause Y », la justice se pose la question « la probabilité que X cause Y est-elle suffisante pour qu’on estime que la victime doit être indemnisée ». La science est dans une démarche d’établissement du lien de cause à effet, la justice est dans une démarche de protection des personnes lésées. Dans les faits, ce syndrome est suspecté d’avoir une forte composante génétique, et la victime a fait son premier malaise 3 minutes après l’injection. Il est très probable qu’elle ait fait un malaise vagal comme plein de gens face à une aiguille (typiquement ma belle-sœur, et pourtant elle se porte comme un charme), mais que celui-ci ait déclenché une fragilité génétique préexistante qui n’avait besoin que d’un mauvais coup de pouce. Du coup, la vaccination serait-elle la cause dans ce cas ? Oui et non, c’est plus compliqué que ça. Serait-il normal que cela soit considéré comme un accident vaccinal et indemnisé comme tel ? Absolument.
La justice et la science peuvent rendre deux réponses a priori contradictoires sans que ce soit choquant, simplement parce que nous ne répondons pas à la même question : la science demande si c’est vrai, la justice si c’est juste.
Et si ça vous semble bizarre, souvenez-vous que un jour un juge a condamné Enedis à prendre des mesures pour empêcher le Linky d’un électrosensible d’émettre des ondes… qu’il émettait de base pas. Et ils ont dû être bien emmerdés pour trouver comment faire ça.
En espérant avoir pu apporter un peu de lumière dans le chaos ambiant, je rends l'antenne, et on y retourne la semaine prochaine, car l'épidémie ne se termine pas avec la nouvelle année. En attendant, prenez soin de vous et des chercheurs qui bossent dur, et, aimez la science, la vraie, et ceux qui la font. Bisous.