20 avril 2025

Aujourd'hui, c'est dimanche. Vous êtes donc bien sur Radio Magret, je suis le Dendrobate Doctor et nous sommes ensemble pour faire l'état de la recherche sur l'épidémie de Covid-19 et le reste.

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Bienvenue à tous sur l’Écho des Labos.


FAKE DE LA SEMAINE

La perle de cette semaine a été dénichée par une abonnée, merci à elle. Je ne sais pas comment, mais elle est tombée sur la dernière panique à la mode antivax, à savoir la vaccination ARN des canards. Or, ici dans le Sud-Ouest, on connaît bien les canards, et une vaccination était plutôt attendue avec impatience par les éleveurs, donc ce ne sont pas eux qui râlent. Petit point de situation : depuis de longs mois, la grippe aviaire (la classique, pas celle qui est en train de couver aux USA et qui fait bien flipper parce qu’elle essaye un peu trop fort d’être transmissible à l’humain) fait rage, et les élevages sont confinés pour éviter la contamination par les oiseaux sauvages (ce qui pour des élevages en plein air est un peu con). Depuis avril 2024 donc (oui ça date en fait un peu et personne n’est mort), il est donc possible de vacciner son élevage avec Ceva Respons AI H5 (qu’on va appeler très scientifiquement « le bidule » pour aller plus vite) pour éviter aux canards de choper la grippe. Un autre vaccin est également disponible, mais c’est pas lui qui crée la panique là tout de suite, donc on va passer outre pour l’instant. Tout le monde devrait donc être très content.

Sauf que le bidule est à technologie ARN auto-amplifiante (et pas « auto-réplicante » comme dit dans plein de posts qui n’y connaissent rien). C’est une technologie très pointue, mais en très très résumé, il faut la voir comme si, au lieu d’un sachet de thé standard, vous aviez un sachet de thé plus fort : il fera pas de bébés sachets de thé dans votre placard, mais vous pourrez l’infuser deux à trois fois et obtenir quand même un thé potable. Donc déjà, toute cette histoire d’auto-réplication (on peut lire des trucs comme « s’auto-réplique dans les cellules de l’animal », les gars ont trop regardé Stargate SG-1 et les épisodes avec les Réplicateurs), c’est du flan.

Ensuite, on vous explique qu’il y a une « inquiétude croissante : que deviennent ces molécules une fois les animaux abattus ? »… Oh ben la même chose qu’avant l’abattage, Gérard, à savoir que le système immunitaire du canard leur tombe dessus et leur pète la gueule avant de les digérer et d’aller les pisser dans les pâquerettes, parce que c’est en faisant ça qu’il peut développer une immunité, ce qui est quand même tout ce qu’on lui demande dans cette histoire en fait. Mais on vous dit que non, la preuve, y a un mec du CNRS, Jean-Marc Sabatier, qui dit que la protéine spike (du Covid, donc pas le même virus, pas le même vaccin, pas le même animal, rapport, choucroute ?) peut rester 709 jours dans le corps humain (Source : The International Journal of Crois-Moi Frérot) et donc on pourrait manger du vaccin sans le savoir. Avant de se demander, en admettant que les jours balancés au pif soient vrais, si ce serait un problème ou pas pour notre santé, petit point sur qui c’est Jean-Marc. Jean-Marc c’est un gars qui avant faisait de la microbiologie (comme Didier !) et qui a trouvé que c’était vachement plus rentable d’écrire des bouquins grand public sur des sujets qu’il maîtrise pas et dans lesquels il fait peur aux gens sur le Covid. Il fait partie de la bande à Mucchielli, et chaque jour que Dieu, Vishnou ou le Monstre en Spaghetti Volants fait, le CNRS doit se demander comment il peut se débarrasser de ces deux tocards sans prendre un procès dans la face. Donc c’est quelqu’un qui, s’il me dit que le ciel est bleu, je vais quand même ouvrir la fenêtre pour être sûre, des fois que.

Bon, mais admettons (les habitués savent que ça veut dire qu’on s’enfonce dans la bêtise humaine quand je dis ça). Admettons que non, envers tout ce qu’on sait de l’immunologie actuelle, l’ARN du vaccin ne soit pas dégradé par le canard. Admettons que Jean-Marc ait raison et que tout cela reste longtemps dans le corps. Admettons même que cet ARN survive intact à la cuisson du magret (alors que même si votre canard avait la grippe aviaire, une bonne cuisson vous éviterait tout risque). Admettons tout ça. Est-ce que ce serait un problème d’avoir un ARN de grippe aviaire chez nous ? La réponse est assez simple : si c’était un problème, ça voudrait dire que l’ARN en question est interprété par nos cellules. Or, si c’était le cas, pourquoi ça le serait pas aussi avec, au hasard, l’ARN du canard qu’on est en train de bouffer ? Vous imaginez si l’ARN (ou l’ADN) de ce qu’on mangeait était interprété par nos cellules ? Je sais pas vous, mais moi manger du magret, ça m’a jamais collé des plumes au derrière, un goût pour les bains à poils dans les lacs froids et le surprenant sentiment de m’appeler Donald.


DÉCOUVERTE DE LA SEMAINE

Le prototype désigné « Meilleure invention de l’année 2024 » par le Times est un truc très chouette et qui va sans doute (s’il se démocratise, pour l’instant il coûte un œil) changer la vie de milliers de personnes atteintes de Parkinson, mais aussi de tremblements en général.

Baptisé GyroGlove, il s’agit d’un gant équipé d’un gyroscope et d’un module de stabilisation, et qui compense en temps réel les tremblements de la personne qui le porte. Présenté au CES 2024, le grand salon de l’électronique de Las Vegas, l’appareil a deux inconvénients majeurs : son coût (plus de 4.000€) et son poids (plus de 700g), les deux affectant son accessibilité, en particulier pour les personnes âgées. La compagnie qui le présentait entend traiter les deux problèmes, a annoncé travailler sur sa miniaturisation pour être plus léger, et espère créer un engouement qui permettrait de le produire en masse et d’être moins coûteux. A surveiller, donc.


PISTE DE LA SEMAINE

  • Loup terrible : vous avez été plusieurs à me l’envoyer, mais non, contrairement à ce qu’annonce l’équipe à l’origine des naissances, elle n’a pas recréé le loup terrible. Le loup terrible, c’est une espèce éteinte depuis 10 millénaires, et elle est toujours éteinte. Les louveteaux nés il y a peu leur ressemblent physiquement, certes, mais ils n’ont en commun avec eux qu’une fraction de leur ADN, quasiment rien de plus qu’un loup standard. Mais si on ne peut pas parler de dés-extinction, il est indéniable que l’équipe, en introduisant les caractéristiques physiques d’une espèce chez une autre, a fait des progrès en ce sens, et que ceux-ci pourront être mis à profit dans des travaux futurs. A condition que tout le monde ait regardé Jurassic Park avant, par mesure de précaution.


IMPASSE DE LA SEMAINE

  • Vaccin et autisme : il semble qu’on en aura jamais fini avec cette vieille lune… Le Ministère de la Santé américain (enfin ce qu’il en reste) a décidé, sous l’impulsion de Bobby Kennedy (ou du vers qui parle dans son cerveau, allez savoir) de mettre plein de sous qu’ils ont pas ailleurs pour qu’on cherche si les vaccins donnent bien l’autisme (quoi que cette expression veuille dire) comme le disent les groupes de mamans Facebook. Peu importe qu’on ait des dizaines d’études qui disent que non, que l’étude sur laquelle se base cette rumeur ait été rétractée et son auteur radié, on y retourne. Et si on trouve un truc (même infime), c’est qu’on avait raison, et si on trouve rien, c’est qu’on a raison et BigPharma le cache, et si j’avais un marteau…


MAUVAISE NOUVELLE DE LA SEMAINE

  • Safe Space for Science : l’université d’Aix-Marseille a fait plein de conneries ces dernières années, mais ça n’empêche pas qu’elle soit remplie, aussi, de gens sérieux qui veulent bien faire, et en particulier faire ce qu’il faut pour aider les collègues en danger aux USA. L’université a donc décidé de prendre sur son enveloppe dédiée à l’international (pour ne pas pénaliser le financement des chercheurs français) pour ouvrir 15-20 places pour 3 ans à des chercheurs qui ne peuvent plus exercer librement sous l’administration Trump. Ouvert le mois dernier, le programme a dû clore prématurément sa période de réception des dossiers après avoir reçu… 298 candidatures américaines. Soyons honnête : je suis ravie que mon pays participe à mettre en sécurité les collègues qui sont menacés pour ne faire que leur travail. Mais il faut bien l’admettre : c’est une mauvaise nouvelle qu’on en soit réduit à devoir faire ça. Ceux qui sont venus au REC écouter ma conférence sur le sujet le savent : la science est en danger, et, avec elle, ceux qui la font.


BONNE NOUVELLE DE LA SEMAINE

  • OMS : après 3 ans de négociations difficiles, un accord a enfin été trouvé à l’OMS sur un plan de lutte contre les futures pandémies. Transfert de technologies, libération des brevets, aide aux pays en développement, coopération internationale des hôpitaux, tout y est passé. Le monde est encore très, très loin d’être prêt pour la prochaine pandémie. Mais au lieu de mettre la tête dans le sable, il a admis qu’il n’était pas prêt, et qu’il fallait qu’il travaille. Et ça fait toujours plaisir.


« QU’EST-CE QUE PUTAIN DE QUOI ? »

Il existe plein de raisons de faire un pèlerinage. Pas toutes bonnes, pas toutes raisonnables, pas toutes logiques. Après, je sais qu’il est difficile de chercher la logique dans la religion et la spiritualité, mais on peut au moins demander des comportements sensés. Par exemple, imaginons que dans votre religion, vous avez une fontaine qui est sacrée (peu importe la raison) et qu’une partie de son pouvoir magique (peu importe le pouvoir en question) exige que vous buviez son eau ou que vous l’aspergiez sur vous. Un cas assez fréquent dans le monde, pour être honnête. Vous pouvez opter pour l’attitude estonienne, telle que je l’ai découverte en vivant dans le grand nord, qui consiste à faire tester l’eau régulièrement et à afficher sur un immense panneau les résultats d’analyse à côté de la source. Vous savez que les gens veulent utiliser cette eau pour satisfaire leur croyance, autant qu’ils soient en sécurité. Ou alors, vous pouvez opter pour l’attitude des pèlerins orthodoxes qui se sont rendus au puits Bermel Giorgis, en quête de purification spirituelle. En Éthiopie. Au milieu d’une épidémie de choléra. Aggravée par un conflit armé. Et donc, ils se sont dit que c’était une idée brillante de boire cette eau, de s’en asperger plein la tronche et de la ramener en Europe en bouteilles. Déclenchant, au passage, un foyer de choléra en Allemagne et un au UK. Les patients, dont certains placés aux soins intensifs, s’en sont tous sortis, mais leurs sécrétions ont contaminé leur environnement et le danger persiste encore, mettant les autorités sanitaires des deux pays sur le qui-vive. Manifestement, être sacrée ne suffit pas. La tétracycline 1 – Dieu 0.


POINT MÉTHODE DE LA SEMAINE – Qu’est-ce qui pourra sauver la science ?

J’en sais rien. Mais on a été plusieurs à réfléchir sur le sujet au REC le week-end dernier, donc vous pouvez retrouver ça sur le replay duTronche en Live 148(https://www.youtube.com/live/8sCbQkO7chc?si=4F_v4CuR3sSpZWCW)

En attendant d’avoir une solution, il faut continuer à travailler, à vulgariser et à débunker, même quand ça génère des crises existentielles… et ça, c’est chez l’indispensable Cercle du Bien-être Rationnel (https://www.facebook.com/cercle.bien.etre.rationnel/videos/1369201500891595) que je suis allée en discuter ! Abonnez-vous si vous ne connaissez pas, c’est du boulot d’intérêt public.


En espérant avoir pu apporter un peu de lumière dans le chaos ambiant, je rends l'antenne, et on y retourne pas la semaine prochaine, car je serai occupée à dûment fêter mon énième anniversaire avec les miens et à arracher du plancher, parce qu’on a les loisirs qu’on peut. En attendant, prenez soin de vous et des chercheurs qui bossent dur, et, aimez la science, la vraie, et ceux qui la font. Bisous.